Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/168

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il pourrait disparaître un jour et qu’il ne resterait que l’extérieur, cet extérieur arrogant, lourd et humblement paresseux, qui serait alors le signe distinctif de l’Allemand. Épouvantable, presque autant que si cet être intime, sans qu’on s’en aperçoive, était faussé, maquillé, truqué, transformé en comédien, ou pis encore. Grillparzer, qui se tient à l’écart, livré à ses observations discrètes, semble, par exemple, croire qu’il en est ainsi d’après ses expériences pratiques, sur le domaine dramatique et théâtral. « Nous sentons avec des abstractions, dit-il, nous sommes à peine encore capables de savoir comment les sentiments s’expriment chez nos contemporains ; nous leur faisons faire des soubresauts qu’ils n’ont plus coutume de faire aujourd’hui. Shakespeare nous a tous corrompus, nous autres modernes. »

C’est là un cas particulier généralisé avec trop de promptitude. Mais combien terrible serait cette généralisation, justifiée si les cas particuliers s’imposaient trop souvent à l’observateur ! Quelle désespérance dans cette phrase : nous autres Allemands nous sentons par abstractions ; nous sommes tous corrompus par les études historiques. Une affirmation qui détruirait dans ses racines tout espoir en la venue prochaine d’une culture nationale. Car tout espoir de cet ordre naît de la foi en la sincérité et le caractère immédiat du sentiment allemand, de la foi en une nature intime