des choses vénérables les unités du devenir et de l’actualité.
Ici, apparaît distinctement combien il est nécessaire à l’homme d’ajouter aux deux manières de considérer le passé, la monumentale et l’antiquaire, une troisième manière, la critique et de mettre celle-là, elle aussi, au service de la vie. Pour pouvoir vivre l’homme doit posséder la force de briser un passé et de l’anéantir et il faut qu’il emploie cette force de temps en temps. Il y parvient en traînant le passé devant la justice, en instruisant sévèrement contre lui et en le condamnant enfin. Or tout passé est digne d’être condamné ; car il en est ainsi des choses humaines : toujours la force et la faiblesse humaines y ont été puissantes. Ce n’est pas la justice qui juge ici; c’est encore moins la grâce qui prononce le jugement. C’est la vie, la vie seule, cette puissance obscure qui pousse et qui est insatiable à se désirer elle-même. Son arrêt est toujours rigoureux, toujours injuste, parce qu’il n’a jamais son origine dans la source pure de la connaissance ; mais, dans la plupart des cas, la sentence serait la même si la justice en personne la prononçait. « Car tout ce qui naît est digne de disparaître. C’est pourquoi il vaudrait mieux que rien ne naquît. » Il faut beaucoup de force pour pouvoir vivre et oublier à la fois combien vivre et être injuste sont tout un. Luther lui-même a affirmé une fois que le monde n’était né que d’un oubli de Dieu.