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rencontrer le désœuvré qui, avide de distractions ou de sensations, se promène là comme parmi les trésors amassés d’une galerie de tableaux. L’homme actif, mêlé aux désœuvrés, faibles et sans espoir, parmi les compagnons occupés seulement en apparence, mais qui ne font que s’agiter et se débattre, pour qu’il ne se prenne pas à désespérer et à ressentir du dégoût, il a besoin de regarder derrière lui. Il interrompt sa course vers le but pour respirer. Mais son but, c’est un bonheur quelconque, ce n’est peut-être pas le sien ; souvent c’est celui d’un peuple ou de l’humanité tout entière. Il recule devant la résignation et l’histoire lui est un remède contre la résignation. Le plus souvent aucune récompense ne l’attend, si ce n’est la gloire, c’est-à-dire l’expectative d’une place d’honneur au temple de l’histoire, où il pourra être lui-même, pour ceux qui viendront plus tard, maître, consolateur et avertisseur. Car son commandement lui dit que ce qui fut jadis capable d’élargir la conception de l’ « homme » et de réaliser cette conception avec plus de beauté, devra exister éternellement pour être éternellement capable de la même chose. Que les grands moments dans la lutte des individus forment une chaîne, que les sommets de l’humanité s’unissent dans les hauteurs à travers des milliers d’années, que pour moi ce qu’il y a de plus élevé dans un de ces moments passés depuis longtemps soit encore vivant, clair et grand — c’est là l’idée