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gnage instructif.) Au cours de tous les siècles français, a-t-on jamais imprimé et dit en France tant de sottises qui déshonorent qu’à cette occasion ? Mais aux obsèques de Richard Wagner les flatteries de la reconnaissance s’égarèrent jusqu’à proférer le « pieux » souhait : « le salut pour le sauveur ! »

8.

Il est incontestable que l’art wagnérien agit aujourd’hui sur les masses. Ne trouvons-nous pas là une indication précisément pour ce qui concerne cet art ? Il y a trois bonnes choses dans l’art, trois choses dont les masses n’ont jamais eu le sens : la noblesse, la logique et la beauté — pulchrum est paucorum hominum — pour ne point parler d’une chose meilleure encore, le grand style. C’est du grand style que Wagner se trouve le plus, éloigné ; ce que ses procédés ont de démesuré et d’héroïquement fanfaron est l’opposé même de ce qu’il y a dans son art de tendre séduction, de charmes multiples, d’inquiet, d’incertain, de captivant, de momentané, de secrète exaltation, de toute cette mascarade supra-sensible des sens malades et quel que puisse être le nom que l’on donne à tout ce qui est typiquement « wagnérien ». D’abord et avant tout l’attitude saisissante ! Quelque chose qui renverse et fait frissonner ! Qu’importe la « raison suffisante » ! Une sorte d’ambiguïté, même dans le rythme de la phrase, fait partie de ses procédés favoris, une sorte d’ivresse et de somnambulisme qui ne sait plus « déduire » logiquement et qui pousse une volonté dangereuse à obéir et à céder aveuglément. Il y a quelque chose de très séduisant dans l’illogique, dans le demi-logique — Wagner s’en est rendu compte à fond, — surtout pour les Allemands qui prennent le manque de clarté pour de la « profondeur ». La virilité et la sévérité d’un développement logique lui sont restées fermées, mais il trouva quelque chose qui pourrait faire plus d’effet. « La musique, a-t-il écrit,