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il se sépare et aspire à être indépendant de l'Etat et de la Société. C'est là un exemple qu'il nous donne, un modèle qu'il nous propose d'imiter, si nous voulons prendre ici, comme point de départ, des cir­constances extérieures. Mais beaucoup de degrés dans la libération de la vie philosophique sont encore incon­nus parmi les Allemands et ne pourront pas le rester toujours.

Nos artistes vivent plus audacieusemeht et plus hon­nêtement ; le plus puissant exemple que nous ayons de­vant nos yeux, celui de Richard Wagner, nous montre comment le génie ne doit pas craindre de se mettre en opposition rigoureuse avec les formes et les prescrip­tions établies, quand il veut élever à la lumière l'ordre et la vérité supérieurs qui vivent en lui. La « vérité », cependant, que nos professeurs ont sans cesse à la bou­che, apparaît, à vrai dire, comme un être beaucoup moins exigeant, dont il ne faut craindre ni désordre ni infraction à l'ordre établi ; elle apparaît comme une créature bonasse et aimant ses aises, qui donne sans cesse, à tous les pouvoirs établis, l'assurance qu'elle ne causera jamais à personne le moindre embarras, car elle n'est, après tout, que la « science pure ». Or je voulais affirmer que la philosophie en Allemagne doit désap­prendre de plus en plus d'être une « science pure » et l'homme qu'est Schopenhauer devrait nous servir d'exemple.

Mais c'est véritablement un miracle et ce n'est rien moins que le fait qu'il ait pu s'élever à devenir cet exemple humain, car du dehors et du dedans il était assailli en quelque sorte par les dangers les plus formi dables