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40.

Aucun de nos grands musiciens n’a été un aussi mauvais musicien que Wagner l’était encore dans sa vingt-huitième année.

41.

Sa nature se divise peu à peu : à côte de Siegfried-Walther-Tannhæuser se place Hans Sachs-Wotan. Il apprend très tard à comprendre l’homme. Tannhæuser et Lohengrin sont les chimères d’un adolescent.

42.

Wagner s’est tellement habitué à sentir en même temps dans des arts différents qu’il est devenu complètement insensible à la musique nouvelle, cela au point qu’il la rejette théoriquement. Il en est de même pour les œuvres poétiques. De là ses nombreux différends avec des contemporains.

43.

Aucune piété ne vient au-devant de lui, le musicien le considère comme un intrus, comme illégitime.

44.

La « fausse toute-puissance » développe chez Wagner quelque chose de « tyrannique ». Il a le sentiment qu’il est sans héritiers — c’est pourquoi il cherche à donner à ses idées réformatrices une base aussi large que possible pour les transmettre en quelque sorte par adoption. L’aspiration à la légitimité.

Le tyran ne permet à aucune individualité de subsister à côté de la sienne et celle de ses confidents. Le danger pour Wagner est grand s’il n’accorde pas leur place à Brahms, etc. ; ou bien aux Juifs.

45.

Ses dons de comédien s’affirment en ceci qu’il n’est jamais