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AURORE

paraître, maintenant que le terrible contraste de tout cela s’est perdu : l’omniprésente crainte du chrétien pour son salut éternel !

58.

Le christianisme et les passions. — On devine dans le christianisme une grande protestation populaire contre la philosophie : la raison des sages anciens avait déconseillé à l’homme les passions, le christianisme veut rendre les passions aux hommes. À cette fin, il dénie toute valeur morale à la vertu, telle que l’entendaient les philosophes, — comme une victoire de la raison sur la passion, — condamne d’une façon générale, toute espèce de bon sens et invite les passions à se manifester avec la plus grande mesure de force et de splendeur : comme amour de Dieu, crainte de Dieu, foi fanatique en Dieu, espoir aveugle en Dieu.

59.

L’erreur comme cordial. — On dira ce que l’on voudra, mais il est certain que le christianisme a voulu délivrer l’homme du poids des engagements moraux en croyant montrer le chemin le plus court vers la perfection : tout comme quelques philosophes croyaient pouvoir se soustraire à la dialectique pénible et longue et à la récolte de faits sévèrement contrôlés, pour renvoyer à « un chemin royal qui mène à la vérité ». C’était une erreur dans les deux cas, — mais pourtant un grand cordial pour