Page:Nietzsche - Aurore.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
AURORE

dant quelques milliers d’années, on se sera communiqué son savoir d’étoile en étoile, peut-être qu’alors le flot d’enthousiasme provoqué par la connaissance aura atteint une pareille hauteur !

46.

Douter que l’on doute. — « Quel bon oreiller est le doute pour une tête bien équilibrée ! » — ce mot de Montaigne a toujours exaspéré Pascal, car personne n’a jamais désiré aussi violemment que lui un bon oreiller. À quoi cela tenait-il donc ?

47.

Les mots entravent notre chemin ! — Partout où les anciens des premiers âges plaçaient un mot ils croyaient avoir fait une découverte. Combien en vérité il en était autrement ! — ils avaient touché à un problème et, en croyant l’avoir résolu, ils avaient créé une entrave à la solution. — Maintenant, pour atteindre la connaissance, il faut trébucher sur des mots devenus éternels et durs comme la pierre, et on s’y cassera plutôt une jambe que de briser un mot.

48.

« Connais-toi toi-même », c’est là toute la science. — Ce n’est que lorsque l’homme aura atteint la connaissance de toute chose qu’il pourra se connaître lui-même. Car les choses ne sont que les frontières de l’homme.