couleurs, dont ils ont besoin pour leur paysage, de quelques nuances plus basses que ne les montre la nature. C’est ainsi qu’ils réussissent à atteindre par les artifices de leur art une ressemblance dans l’éclat et une harmonie des tons qui correspondent à la nature. De même il faut que les poètes et les philosophes pour qui l’éclat lumineux du bonheur est inaccessible, sachent se tirer d’affaire. En donnant à toutes les choses un coloris de quelque ton plus sombres que celui qui leur est particulier, la lumière à quoi ils s’entendent fait un effet presque ensoleillé et ressemble à la lumière du plein bonheur. — Le pessimiste, qui donne à toutes choses les couleurs les plus noires et les plus sombres, ne se sert que de flammes et d’éclairs, de gloires célestes et de tout ce qui possède une force lumineuse très vive et qui rend les yeux hésitants ; chez lui la clarté n’est là que pour augmenter l’épouvante et pour faire soupçonner dans les choses plus de terreur qu’il n’y en a en réalité.
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Les sédentaires et les hommes libres. — Ce n’est que dans les enfers que l’on nous montre quelque chose du fond sombre qu’il y a derrière cette béatitude d’aventuriers qui enveloppe Ulysse et ses semblables, comme d’une éternelle luminosité, — de ce fond que l’on ne peut plus oublier alors : la mère d’Ulysse est morte de chagrin et du désir de son enfant ! L’un est poussé de lieu en lieu, et c’est là ce qui brise le cœur de l’autre, de l’être tendre