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AURORE

domination de soi, à la purification de son imagination, à l’ordonnance et au choix dans les inspirations et dans les tâches qui surviennent. Le grand homme reste toujours invisible, comme une étoile lointaine, dans ce qu’il a de plus grand, qui exige l’admiration : sa victoire sur la force demeure sans témoins et par conséquent aussi sans être glorifiée et chantée. La hiérarchie dans la grandeur de l’humanité passée n’est pas encore déterminée.

549.

La fuite devant soi-même. — Ces hommes des luttes intellectuelles qui sont impatients à l’égard d’eux-mêmes et assombris, comme Byron ou Alfred de Musset, et qui, dans tout ce qu’ils font, ressemblent à des chevaux qui s’emportent, ces hommes qui dans leur propre œuvre ne trouvent qu’une courte joie et une ardeur qui fait presque éclater les veines, et ensuite la froide stérilité et le désenchantement : — comment ces hommes supporteraient-ils de s’approfondir sur eux-mêmes ? Ils ont soif de s’anéantir dans un « en dehors de soi » ; si, avec une pareille soif, on est chrétien, on visera à s’anéantir en Dieu, à s’identifier avec lui ; si l’on est Shakespeare on se contentera de s’anéantir dans les images de la vie passionnée ; si l’on est Byron on aura soif d’actions parce que celles-ci nous détournent de nous-mêmes plus encore que les pensées, les sentiments et les œuvres. Le besoin d’action serait-il donc au fond le besoin de fuite devant soi-même ? — ainsi deman-