d’humanité antique dans cet idéal ! Mais ce qu’il y a de plus beau c’est que la crainte de Dieu lui manque totalement, qu’il croit sévèrement à la raison, qu’il n’exhorte pas à la pénitence. Épictète était un esclave : son homme idéal est sans caste et il est possible dans toutes les situations sociales, mais il faudra le chercher avant tout dans les masses profondes et basses, où il sera l’homme silencieux qui se suffit à lui-même, au milieu d’un asservissement général, qui est sans cesse en état de défense pour se garer contre l’extérieur et se maintenir dans la plus haute bravoure. Il se distingue du chrétien surtout en cela que celui-ci vit dans l’espoir d’« inexprimables félicités », qu’il se laisse faire des présents, qu’il attend et accepte ce qu’il y a de meilleur de la grâce et de l’amour divins : tandis qu’Épictète n’espère point et ne se laisse pas offrir ce qu’il a de meilleur, — il le possède déjà, il le tient bravement entre les mains et le défendrait contre le monde entier s’il voulait le lui prendre. Le christianisme était fait pour une autre espèce d’esclaves antiques, pour ceux qui sont faibles de volonté et de raison, donc pour la grande masse des esclaves.
547.
Les tyrans de l’esprit. — La marche de la science n’est plus contrecarrée maintenant, comme ce fut trop longtemps le cas, par le fait fortuit que l’homme atteint un âge de soixante-dix ans environ. Autrefois on voulait arriver au bout de la connaissance pendant cet espace de temps, et l’on