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AURORE

rer en tant que passion, la croyance que l’amour durable, l’amour à vie peut être considéré comme la règle. Par cette ténacité d’une noble croyance, maintenue, malgré des réfutations si fréquentes qu’elles sont presque la règle et qui en font par conséquent une pia fraus, l’institution du mariage a conféré à l’amour une noblesse supérieure. Toutes les institutions qui ont concédé à une passion la croyance en la durée de celle-ci, et la responsabilité de la durée, malgré l’essence même de la passion, ont procuré à cette passion un rang nouveau : et celui qui dès lors est pris d’une semblable passion ne se croit plus, comme jadis, abaissé ou mis en danger à cause d’elle, mais, au contraire, élevé par elle devant lui-même et devant ses semblables. Que l’on songe aux institutions et aux coutumes qui ont fait de l’abandon fougueux d’un moment une fidélité éternelle, du plaisir de la colère l’éternelle vengeance, du désespoir le deuil éternel, de la parole soudaine et unique l’éternel engagement. Par de telles transformations, beaucoup d’hypocrisie et de mensonge s’est chaque fois introduit dans le monde : chaque fois aussi, et à ce prix seulement, une conception surhumaine qui élève l’homme.

28.

La disposition d’esprit comme argument. — D’où vient la joyeuse résolution qui s’empare de nous devant l’action ? — C’est là une question qui a beaucoup préoccupé les hommes. La réponse la plus ancienne, qui demeure toujours courante, c’est qu’il