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AURORE

science, de la raison ! Il vous faut falsifier l’histoire pour qu’elle témoigne en votre faveur, il vous faut nier des vertus pour qu’elles ne mettent pas dans l’ombre les vertus de vos idoles et de votre idéal ! Des images coloriées là où il faudrait les raisons de la raison ! L’ardeur et la puissance de l’expression ! Du brouillard argenté ! Des nuits ambrosiaques ! Vous vous entendez à illuminer et à obscurcir, à obscurcir avec de la lumière ! Et, en vérité, si votre passion se met en fureur il vient un moment où vous vous dites : maintenant je me suis conquis la bonne conscience, maintenant je suis magnanime, courageux, désintéressé, grandiose, maintenant je suis honnête ! Combien vous êtes avides de ces moments où votre passion vous confère un droit plein et absolu devant vous-mêmes, vous donne en quelque sorte l’innocence, de ces moments où, dans la lutte, l’ivresse, le courage, l’espoir, vous êtes en dehors de vous-mêmes et au-dessus de tous les doutes, où vous décrétez : « celui qui, comme nous, n’est pas en dehors de lui-même, ne peut pas savoir du tout ce qu’est la vérité, où est la vérité ! » Combien vous êtes avides de trouver des hommes de votre croyance qui sont dans cet état — c’est celui de la dépravation de l’intellect — et d’attiser votre feu à leur incendie ! Malheur à votre martyre ! Malheur à votre victoire du mensonge sanctifié ! Faut-il que vous vous fassiez tant de mal à vous-mêmes ? — Faut-il ?

544.

Comment on fait maintenant de la philosophie.