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AURORE

les sentiments et les jugements moraux ? — bien que l’on soit à même de se rendre compte que ceux-ci sont entachés d’erreurs dès leur base, et que leur édifice ne se peut réparer : leur sanction diminue forcément de jour en jour, dans la mesure où la sanction de la raison ne diminue pas. Édifier à nouveau les lois de la vie et de l’action, — pour accomplir cette tâche, nos sciences de la physiologie, de la médecine, de la société et de la solitude ne sont pas encore assez sûres d’elles-mêmes : et ce n’est qu’à ces sciences que l’on peut emprunter les pierres fondamentales d’un idéal nouveau (si ce n’est cet idéal lui-même). Nous vivons donc d’une existence provisoire ou d’une existence de traînards, selon notre goût et selon nos talents, et ce que nous faisons de mieux, dans cet interrègne, c’est d’être, autant que possible, nos propres reges et de ne point fonder de petits États à l’essai. Nous sommes des expériences. Ayons la volonté d’en être !

454.

Interruption. — Un livre comme celui-ci n’est pas fait pour être lu hâtivement d’un bout à l’autre, ni pour en faire la lecture à haute voix. Il faut l’ouvrir souvent, surtout en se promenant ou en voyage ; il faut pouvoir s’y plonger, puis regarder ailleurs et ne rien trouver d’habituel autour de soi.

455.

La première nature. — Tel que l’on nous élève maintenant, il nous vient d’abord une seconde na-