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AURORE

semblable au confesseur assis dans un coin, avide de voir arriver quelqu’un qui ait besoin de consolation, qui parle de la misère de ses pensées, afin de lui remplir, à nouveau, le cœur et la main, et d’alléger son âme inquiète ! Non seulement le confesseur ne veut point en avoir de gloire : il voudrait aussi échapper à la reconnaissance, car elle est indiscrète et sans pudeur devant la solitude et le silence. Mais vivre sans nom ou doucement raillé, trop obscurément pour éveiller l’envie ou l’inimitié, armé d’un cerveau sans fièvre, d’une poignée de connaissances, et d’une poche pleine d’expériences, être en quelque sorte un médecin des pauvres d’esprit et aider à l’un ou l’autre, quand sa tête est troublée par des opinions, sans qu’il s’aperçoive au juste qui lui a aidé ! Ne point vouloir garder raison devant lui et célébrer une victoire, mais lui parler de façon à ce que, après une petite indication imperceptible, ou une objection, il trouve de lui-même ce qui est vrai et qu’il s’en aille fièrement à cause de cela ! Être comme une auberge médiocre qui ne repousse personne qui est dans le besoin, mais que l’on oublie après coup et dont on se moque ! N’avoir l’avantage en rien, ni la nourriture meilleure, ni l’air plus pur, ni l’esprit plus joyeux, — mais toujours donner, rendre, communiquer, devenir plus pauvre ! Savoir être petit pour être accessible à beaucoup de monde et n’humilier personne ! Prendre sur soi beaucoup d’injustice et avoir rampé comme des vers à travers toute espèce d’erreurs, pour pouvoir pénétrer, sur des chemins secrets, auprès de beaucoup d’âmes cachées ! Tou-