Page:Nietzsche - Aurore.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
AURORE

donc une vertu qui mène au ciel par le détour de l’enfer : car maintenant seulement les sombres propylées du salut chrétien peuvent s’ouvrir, maintenant seulement agit la promesse d’une seconde innocence posthume : — c’est une des plus belles inventions du christianisme !

322.

Vivre si possible sans médecin. — Il me semble qu’un malade vit plus à la légère lorsqu’il a un médecin que lorsqu’il s’occupe lui-même de sa santé. Dans le premier cas il lui suffit d’être sévère pour tout ce qui lui est prescrit ; dans le second, nous observons avec plus de conscience ce à quoi s’adressent ces prescriptions, je veux dire à notre santé, nous remarquons plus de choses, nous nous ordonnons et nous interdisons plus de choses que ne le ferait l’intervention du médecin. — Toutes les règles ont cet effet : elles détournent du but qui se trouve derrière la règle et rendent plus léger. — Mais l’insouciance de l’humanité se serait élevée jusqu’au déchaînement et à la destruction, si elle avait jamais tout abandonné, complètement et loyalement, au bras de la divinité, son médecin, conformément à la parole « selon la volonté de Dieu » ! —

323.

Obscurcissement du ciel. — Connaissez-vous la vengeance des hommes timides qui se comportent dans la société comme s’ils avaient volé leurs