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AURORE

permettent à son égard quelque prêtre ou quelque artiste impétueux ? Il vous manque cette conscience sévère pour ce qui est vrai et véritable, vous n’êtes pas tourmenté et martyrisé de trouver la science en contradiction avec vos sentiments, vous ignorez le désir avide de la connaissance qui vous gouvernerait comme une loi, vous ne sentez pas un devoir dans le besoin d’être présent avec les yeux partout où l’on « connaît », de ne rien laisser échapper de ce qui est « connu ». Vous ignorez ce que vous traitez avec tant de tolérance ! Et c’est seulement parce que vous l’ignorez que vous réussissez à prendre une mine aussi gracieuse. Vous, vous surtout, vous auriez un regard de haine et de fanatisme si la science voulait une fois vous éclairer le visage de ses yeux ! — Que nous importe donc que vous usiez de tolérance — à l’égard d’un fantôme ! et pas même à notre égard ! — Et qu’importe de nous !

271.

L’impression de fête. — C’est justement pour ces hommes qui aspirent le plus impétueusement à la puissance qu’il est infiniment agréable de se sentir subjugués ! S’enfoncer soudain profondément dans un sentiment comme en un tourbillon ! Se laisser arracher les guides de la main et être spectateur d’un mouvement qui conduira on ne sait où ! Quelle que soit la personne, quelle que soit la chose qui nous rend ce service, — c’est un grand service : nous sommes si heureux et haletants, et nous sentons autour de nous un silence exceptionnel, comme