Page:Nietzsche - Aurore.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
AURORE

— aussi heureux que peuvent l’être des hommes et des démons. Mais pourquoi répéterais-je cela ? Luther l’a déjà dit, et mieux que moi, dans les vers : « S’ils nous prennent corps et bien, honneur, femme et enfants : laissez-les faire, — l’empire nous restera quand même ! » Oui ! oui ! L’ « empire » !

263.

La contradiction incarnée et animée. — Dans ce que l’on appelle génie il y a une contradiction physiologique ; le génie possède d’une part beaucoup de mouvement sauvage, désordonné, involontaire, et d’autre part beaucoup d’activité supérieure dans le mouvement, — avec cela il a en propre un miroir qui montre les deux mouvements l’un à côté de l’autre, emmêlés, mais assez souvent aussi opposés l’un à l’autre. La conséquence de cet aspect, c’est que le génie est souvent malheureux, et s’il se sent le plus heureux dans la création, c’est parce qu’il oublie que justement alors, dans son activité supérieure, il fait quelque chose de fantastique et de déraisonnable (tout art est ainsi) — et il faut qu’il le fasse.

264.

Vouloir se tromper. — Les hommes envieux qui ont un flair subtil ne cherchent pas à connaître de près leur rival, afin de pouvoir se sentir supérieurs à lui.

265.

Le théâtre a son temps. — Lorsque l’imagina-