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AURORE

202.

Les soins à donner à la santé. — On a à peine commencé à réfléchir à la physiologie des criminels et cependant on se trouve déjà devant l’impérieuse certitude qu’entre les criminels et les aliénés il n’y a pas de différence essentielle : à condition que l’on ait la certitude que l’habituelle façon de penser en morale soit la façon de penser de la santé morale. Mais nulle croyance n’est aujourd’hui si bien admise que celle-ci. Il ne faudrait donc pas craindre d’en tirer les conséquences et de traiter le criminel comme un aliéné : surtout de ne pas le traiter avec charité hautaine, mais avec une sagesse de médecin et une bonne volonté de médecin. Il a besoin de changement d’air et de société, d’un éloignement momentané, peut-être de solitude et d’occupations nouvelles, — parfait ! Peut-être trouve-t-il lui-même que c’est son avantage de vivre pendant un certain temps sous surveillance, pour trouver ainsi une protection contre lui-même et son fâcheux instinct tyrannique, — parfait ! Il faut lui présenter clairement la possibilité et les moyens de guérir (d’extirper, de transformer, de sublimer cet instinct, et aussi, au pis aller, l’invraisemblance de celui-ci) ; il faut offrir au criminel incurable qui se fait horreur à lui-même l’occasion du suicide. Ceci réservé, comme moyen suprême d’allègement, il ne faut rien négliger pour rendre avant tout au criminel le bon courage et la liberté d’esprit ; il faut effacer de