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AURORE

teurs dans la même proportion, qui avaient trouvé là la tâche de leur vie, — et avec la tâche aussi la dignité devant eux-mêmes et devant toute autre « bonne compagnie ».

195.

Ce que l’on appelle l’éducation classique. — Découvrir que notre vie est vouée à la connaissance ; que nous la gaspillerions, non ! que nous l’aurions gaspillée, si cette consécration ne nous protégeait pas devant nous-mêmes ; se répéter ces vers, souvent et avec émotion :

Destinée, je te suis ! Si je ne le voulais point,
Il me faudrait le faire, même parmi les larmes !

— Et maintenant, en faisant un retour sur le chemin de la vie, découvrir également qu’il y a quelque chose qui est irréparable : la dissipation de notre jeunesse, lorsque nos éducateurs n’ont point employé ces années ardentes et avides de savoir, pour nous mener au-devant de la connaissance des choses, mais qu’ils les ont usées à l’ « éducation classique » ! La dissipation de notre jeunesse, lorsque l’on nous inculqua, avec autant de maladresse que de barbarie, un savoir imparfait, concernant les Grecs et les Romains, ainsi que leurs langues, agissant à l’encontre du principe supérieur de toute culture, qu’il ne faut donner un aliment qu’à celui qui a faim de cet aliment ! Lorsqu’on nous imposa par la force, les mathématiques, au lieu de nous amener d’abord au désespoir de l’ignorance et de réduire notre petite vie quotidienne, nos mouve-