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AURORE

vieux temps, presque bienheureux. C’est pourquoi le poète ne sut point s’en tirer autrement que comme il fit, — car il avait probablement autour de lui des auditeurs des deux espèces !

190.

L’ancienne culture allemande. — Lorsque les Allemands commencèrent à devenir intéressants pour les autres peuples de l’Europe — il n’y a pas si longtemps de cela, — ce fut grâce à une culture qu’ils ne possèdent plus aujourd’hui, qu’ils ont secouée avec une ardeur aveugle, comme si ç’avait été là une maladie : et pourtant ils ne surent rien mettre de mieux en place que la folie politique et nationale. Il est vrai qu’ils ont abouti par là à devenir encore beaucoup plus intéressants pour les autres peuples qu’ils ne l’étaient autrefois par leur culture : qu’on leur laisse donc cette satisfaction ! Il est cependant indéniable que cette culture allemande a dupé les Européens et qu’elle n’était digne ni d’être imitée ni de l’intérêt qu’on lui a porté, et moins encore des emprunts qu’on rivalisait à lui faire. Que l’on se renseigne donc aujourd’hui sur Schiller, Guillaume de Humboldt, Schleiermacher, Hegel, Schelling, qu’on lise leurs correspondances et qu’on se fasse introduire dans le grand cercle de leurs adhérents : qu’est-ce qui leur est commun, qu’est-ce qui, chez eux, nous impressionne, tels que nous sommes maintenant, tantôt d’une façon si insupportable, tantôt d’une façon si touchante et si pitoyable ? D’une part la rage de paraître, à tout