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AURORE

agissait autrement avec eux, — on les utilisait, on les dérobait à eux-mêmes, on les élevait à être usés quotidiennement, on leur faisait de cela un devoir et un principe — et maintenant ils ne peuvent plus s’en passer, ils ne veulent pas qu’il en soit autrement. Mais, à ces pauvres bêtes de trait, il ne faut pas refuser leurs « vacances » — ainsi nomme-t-on cet idéal forcé d’un siècle surmené : des vacances où l’on peut une fois paresser à cœur joie, être stupide et enfantin.

179.

Aussi peu d’« état » que possible ! — Toutes les conditions politiques et sociales ne valent pas que ce soient justement les esprits les plus doués qui aient le droit de s’en occuper et qui y soient forcés : un tel gaspillage des esprits est en somme plus grave qu’un état de misère. La politique est le champ de travail pour des cerveaux plus médiocres, et ce champ de travail ne devrait pas être ouvert à d’autres : que plutôt encore la machine s’en aille en morceaux ! Mais telles que les choses se présentent aujourd’hui, où non seulement tous croient devoir être informés quotidiennement des choses politiques, mais où chacun veut encore y être actif à tout instant, et abandonne pour cela son propre travail, elles sont une grande et ridicule folie. On paye la « sécurité publique » beaucoup trop cher à ce prix : et, ce qu’il y a de plus fou, on aboutit de la sorte au contraire de la sécurité publique, ainsi que notre excellent siècle est en train de le démontrer : comme si