Page:Nietzsche - Aurore.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
AURORE

tout que les hommages absolus devant les personnes sont quelque chose de ridicule, que changer son avis là-dessus ne serait pas déshonorant, même pour les Allemands, et qu’il existe un mot profond, digne d’être pris à cœur : « Ce qui importe, ce ne sont point les personnes, mais les choses. » Ce mot est, comme celui qui l’a prononcé, grand, brave, simple et silencieux, — tout comme Carnot, le soldat et le républicain. — Mais peut-on parler maintenant ainsi d’un Français à des Allemands, et de plus d’un républicain ? Peut-être point, et peut-être n’a-t-on même pas le droit de r appeler ce que Niebur put dire jadis aux Allemands : que personne autant que Carnot ne lui avait fait l’impression de la véritable grandeur.

168.

Un modèle. — Qu’est-ce que j’aime en Thucydide, qu’est-ce qui fait que je l’estime plus que Platon ? Il a le plaisir le plus étendu et le plus désintéressé à tout ce qui est typique chez l’homme et dans les événements, et il trouve qu’à chaque type appartient une quantité de bon sens : c’est ce bon sens qu’il cherche à découvrir. Il possède une plus grande justice pratique que Platon ; il ne calomnie et ne rapetisse pas les hommes qui ne lui plaisent pas ou bien qui lui ont fait mal dans la vie. Au contraire : il ajoute et introduit quelque chose de grand dans toutes les choses et toutes les personnes, en ne voyant partout que des types. Que ferait aussi toute la postérité, à quoi il voue son œuvre, avec ce