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AURORE

124.

Qu’est-ce que vouloir ? — Nous rions de celui qui passe le seuil de sa porte au moment où le soleil passe le seuil de la sienne et qui dit : « Je veux que le soleil se lève. » Et de celui qui ne peut pas arrêter une roue et qui dit : « Je veux qu’elle roule. » Et de celui qui est terrassé dans une lutte et qui dit : « Me voici couché là, mais je veux être couché là ! » Mais, en dépit des plaisanteries, agissons-nous jamais autrement que l’un de ces trois, lorsque nous employons le mot : « Je veux » ?

125.

Du « royaume de la liberté ». — Nous pouvons imaginer beaucoup plus de choses que nous ne pouvons en faire et en vivre, — ce qui veut dire que notre pensée est superficielle et satisfaite de la surface, elle ne s’aperçoit même pas de cette surface. Si notre intellect était développé sévèrement, d’après la mesure de notre force, et de l’exercice que nous avons de notre force, nous érigerions en premier principe de notre réflexion que nous ne pouvons comprendre que ce que nous pouvons faire, — si d’une façon générale il existe une compréhension. L’homme qui a soif est privé d’eau, mais son esprit lui présente sans cesse devant les yeux l’image de l’eau, comme si rien n’était plus facile que de s’en procurer. — La qualité superficielle et facile à contenter de l’intellect ne peut pas comprendre