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AURORE

que l’on peut savoir d’un acte ne suffit jamais pour l’accomplir, que le passage qui va de l’entendement à l’acte n’a été établi jusqu’à présent dans aucun cas ? Les actions ne sont jamais ce qu’elles nous paraissent être ! Nous avons eu tant de peine à apprendre que les choses extérieures ne sont pas telles qu’elles nous paraissent — eh bien ! il en est de même du monde intérieur ! Les actes sont en réalité « quelque chose d’autre », — nous ne pouvons pas en dire davantage : et tous les actes sont essentiellement inconnus. Le contraire est et demeure la croyance habituelle ; nous avons contre nous le plus ancien réalisme ; jusqu’à présent l’humanité pensait : « Une action est telle qu’elle nous paraît être. » (En relisant ces paroles il me vient en mémoire un très expressif passage de Schopenhauer que je veux citer pour démontrer que, lui aussi, était encore resté accroché sans aucune espèce de scrupule à ce réalisme moral : « En réalité, chacun de nous est un juge moral, compétent et parfait, connaissant exactement le bien et le mal, sanctifié en aimant le bien et en détestant le mal, — chacun est tout cela, tant que ce ne sont pas ses propres actes, mais des actes étrangers qui sont en cause, et qu’il peut se contenter d’approuver ou de désapprouver, tandis que le poids de l’exécution est porté par des épaules étrangères. Chacun peut, par conséquent, tenir comme confesseur la place de Dieu. »)

117.

En prison. — Mon œil, qu’il soit perçant ou qu’il