Page:Nietzsche - Aurore.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
AURORE

104.

Nos appréciations. — Il faut ramener toutes nos actions à des façons d’apprécier ; toutes nos appréciations nous sont propres ou bien elles sont acquises. — Ces dernières sont les plus nombreuses. Pourquoi les adoptons-nous ? Par crainte : c’est-à-dire que notre prudence nous conseille d’avoir l’air de les prendre pour nôtres — et nous nous habituons à cette idée, en sorte qu’elle finit par devenir notre seconde nature. Avoir une appréciation personnelle : cela ne veut-il pas dire mesurer une chose d’après le plaisir ou le déplaisir qu’elle nous cause, à nous et à personne autre, — mais c’est là quelque chose d’extrêmement rare ! Il faudra du moins que notre appréciation au sujet d’une autre personne qui nous pousse à nous servir, dans la plupart des cas, des appréciations de cette personne, parte de nous et soit notre propre motif déterminant. Mais ces déterminations nous les créons pendant notre enfance et rarement nous changeons d’avis à leur sujet sur elles ; nous demeurons le plus souvent, durant toute notre vie, dupes de jugements enfantins auxquels nous nous sommes habitués, et cela dans la façon dont nous jugeons nos prochains (leur esprit, leur rang, leur moralité, leur caractère, ce qu’ils ont de louable ou de blâmable) en rendant hommage à leurs appréciations.

105.

L’égoïsme apparent. — La plupart des gens, quoi