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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

grand éclat de rire ; mais quelque chose s’éleva d’eux qui ressemblait à un nuage noir. L’enchanteur, lui aussi, se mit à rire et il dit d’un ton rusé : « Eh bien ! il s’en est allé mon mauvais esprit !

Et ne vous ai-je pas moi-même mis en défiance contre lui, lorsque je disais qu’il est un imposteur, un esprit de mensonge et de tromperie ?

Surtout quand il se montre nu. Mais que puis-je faire à ses malices, moi ! Est-ce moi qui l’ai créé et qui ai créé le monde ?

Eh bien ! soyons de nouveau bons et de bonne humeur ! Et quoique Zarathoustra ait le regard sombre — regardez-le donc ! il m’en veut — :

— avant que la nuit soit venue il apprendra de nouveau à m’aimer et à me louer, il ne peut pas vivre longtemps sans faire de pareilles folies.

Celui-ci — aime ses ennemis : c’est lui qui connaît le mieux cet art, parmi tous ceux que j’ai rencontrés. Mais il s’en venge — sur ses amis ! »

Ainsi parlait le vieil enchanteur, et les hommes supérieurs l’acclamèrent : en sorte que Zarathoustra se mit à circuler dans sa caverne, secouant les mains de ses amis avec méchanceté et amour, — comme quelqu’un qui a quelque chose à excuser et à réparer auprès de chacun. Mais lorsqu’il arriva à la porte de sa caverne, voici, il eut de nouveau envie du bon air qui régnait dehors et de ses animaux, — et il voulut se glisser dehors.