Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (trad. Albert, 1903).djvu/425

Cette page a été validée par deux contributeurs.
425
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

et aimèrent les vins forts et la chair du sanglier ?

Ce serait une folie ! Cela me semble beaucoup pour un pareil homme, s’il n’est l’homme que d’une seule femme, ou de deux, ou de trois.

Et s’il fondait des couvents et s’il écrivait au-dessus de la porte : « Ce chemin conduit à la sainteté », — je dirais quand même : À quoi bon ! c’est une nouvelle folie !

Il s’est fondé à son propre usage une maison de correction et un refuge : que bien lui en prenne ! Mais je n’y crois pas.

Dans la solitude grandit ce que chacun y apporte, même la bête intérieure. Aussi faut-il dissuader beaucoup de gens de la solitude.

Y a-t-il eu jusqu’à présent sur la terre quelque chose de plus impur qu’un saint du désert ? Autour de pareils êtres le diable n’était pas seul à être déchaîné, — mais aussi le cochon.


14.


Timide, honteux, maladroit, semblable à un tigre qui a manqué son bond : c’est ainsi, ô hommes supérieurs, que je vous ai souvent vus vous glisser à part. Vous aviez manqué un coup de dé.

Mais que vous importe, à vous autres joueurs de dés ! Vous n’avez pas appris à jouer et à narguer comme il faut jouer et narguer ! Ne sommes-nous pas toujours assis à une grande table de moquerie et de jeu ?