Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (trad. Albert, 1903).djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
316
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

toi tu es resté seul pendant sept jours, — sors de ta caverne ! Toutes les choses veulent être tes médecins !

Une nouvelle certitude est-elle venue vers toi, lourde et chargée de ferment ? Tu t’es couché là comme une pâte qui lève, ton âme se gonflait et débordait de tous ses bords. — »

— Ô mes animaux, répondit Zarathoustra, continuez à babiller ainsi et laissez-moi écouter ! Votre babillage me réconforte : où l’on babille, le monde me semble étendu devant moi comme un jardin.

Quelle douceur n’y a-t-il pas dans les mots et les sons ! les mots et les sons ne sont-ils pas les arcs-en-ciel et des ponts illusoires jetés entre des êtres à jamais séparés ?

À chaque âme appartient un autre monde, pour chaque âme toute autre âme est un arrière-monde.

C’est entre les choses les plus semblables que mentent les plus beaux mirages ; car les abîmes les plus étroits sont les plus difficiles à franchir.

Pour moi — comment y aurait-il quelque chose en dehors de moi ? Il n’y pas de non-moi ! Mais tous les sons nous font oublier cela ; comme il est doux que nous puissions l’oublier !

Les noms et les sons n’ont-ils pas été donnés aux choses, pour que l’homme s’en réconforte ? N’est-ce pas une douce folie que le langage : en parlant l’homme danse sur toutes les choses.

Comme toute parole est douce, comme tous les mensonges des sons paraissent doux ! Les sons