Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (trad. Albert, 1903).djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

pures odeurs autour de moi ! Ô comme ce silence fait aspirer l’air pur à pleins poumons ! Ô comme il écoute, ce silence bienheureux !

Là-bas cependant — tout parle et rien n’est entendu. Si l’on annonce sa sagesse à sons de cloches : les épiciers sur la place publique en couvriront le son par le bruit des gros sous !

Chez eux tout parle, personne ne sait plus comprendre. Tout tombe à l’eau, rien ne tombe plus dans de profondes fontaines.

Chez eux tout parle, rien ne réussit et ne s’achève plus. Tout caquette, mais qui veut encore rester au nid à couver ses œufs ?

Chez eux tout parle, tout est dilué. Et ce qui hier était encore trop dur, pour le temps lui-même et pour les dents du temps, pend aujourd’hui, déchiqueté et rongé, à la bouche des hommes d’aujourd’hui.

Chez eux tout parle, tout est divulgué. Et ce qui jadis était appelé mystère et secret des âmes profondes appartient aujourd’hui aux trompettes des rues et à d’autres tapageurs.

Ô nature humaine ! chose singulière ! bruit dans les rues obscures ! Te voilà derrière moi : — mon plus grand danger est resté derrière moi !

Les ménagements et la pitié furent toujours mon plus grand danger, et tous les êtres humains veulent être ménagés et pris en pitié.

Gardant mes vérités au fond du cœur, les mains agitées comme celles d’un fou et le cœur affolé,