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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

il ; c’est pourquoi j’habite ici. Hommes et bêtes viennent à moi, le solitaire. Mais invite aussi ton compagnon à manger et à boire, il est plus fatigué que toi. » Zarathoustra répondit : « Mon compagnon est mort, je l’y déciderais difficilement. »

« Cela m’est égal, dit le vieux en grognant ; qui frappe à ma porte doit prendre ce que je lui offre. Mangez et portez-vous bien ! »

Ensuite Zarathoustra marcha de nouveau pendant deux heures, se fiant à la route et à la clarté des étoiles : car il avait l’habitude des marches nocturnes et aimait à regarder en face tout ce qui dort. Quand le matin commença à poindre, Zarathoustra se trouvait dans une forêt profonde et aucun chemin ne se dessinait plus devant lui. Alors il plaça le corps dans un arbre creux, à la hauteur de sa tête — car il voulait le protéger contre les loups — et il se coucha lui-même à terre sur la mousse. Et aussitôt il s’endormi, fatigué de corps, mais l’âme tranquille.


9.


Zarathoustra dormit longtemps et non seulement l’aurore passa sur son visage, mais encore le matin. Enfin ses yeux s’ouvrirent et avec étonnement Zarathoustra jeta un regard sur la forêt et dans le silence, avec étonnement il regarda en lui-même. Puis il se leva à la hâte, comme un matelot qui tout à coup voit la terre, et il poussa un cri d’allégresse :