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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

Il est un hôte dur, — mais je l’honore, et je ne prie pas le dieu ventru du feu, comme font les efféminés.

Il vaut encore mieux claquer des dents que d’adorer les idoles ! — telle est ma nature. Et j’en veux surtout à toutes les idoles du feu, qui sont ardentes, bouillonnantes et mornes.

Quand j’aime quelqu’un, je l’aime en hiver mieux qu’en été ; je me moque mieux de mes ennemis, je m’en moque avec plus de courage, depuis que l’hiver est dans ma maison.

Avec courage, en vérité, même quand je me blottis dans mon lit : — car alors mon bonheur enfoui rit et fanfaronne encore, et mon rêve mensonger se met à rire lui aussi.

Pourquoi ramper ? Jamais encore, de toute ma vie, je n’ai rampé devant les puissants ; et si j’ai jamais menti, c’était par amour. C’est pourquoi je suis content même dans un lit d’hiver.

Un lit simple me réchauffe mieux qu’un lit luxueux, car je suis jaloux de ma pauvreté. Et c’est en hiver que ma pauvreté m’est le plus fidèle.

Je commence chaque jour par une méchanceté, je me moque de l’hiver en prenant un bain froid : c’est ce qui fait grogner mon ami sévère.

J’aime aussi à le chatouiller avec un petit cierge : afin qu’il permette enfin au ciel de sortir de l’aube cendrée.

Car c’est surtout le matin que je suis méchant : à la première heure, quand les seaux grincent à la