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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

A-t-elle cependant déjà parlé ainsi ? Et quand cela arrivera-t-il ? La volonté est-elle déjà délivrée de sa propre folie ?

La volonté est-elle déjà devenue, pour elle-même, rédemptrice et messagère de joie ? A-t-elle désappris l’esprit de vengeance et tous les grincements de dents ?

Et qui donc lui a enseigné la réconciliation avec le temps et quelque chose de plus haut que ce qui est réconciliation ?

Il faut que la volonté, qui est la volonté de puissance, veuille quelque chose de plus haut que la réconciliation, — : mais comment ? Qui lui enseignera encore à vouloir en arrière ?

— Mais en cet endroit de son discours, Zarathoustra s’arrêta soudain, semblable à quelqu’un qui s’effraie extrêmement. Avec des yeux épouvantables, il regarda ses disciples ; son regard pénétrait comme une flèche leurs pensées et leurs arrière-pensées. Mais au bout d’un moment, il recommença déjà à rire et il dit avec calme :

« Il est difficile de vivre parmi les hommes, parce qu’il est si difficile de se taire. Surtout pour un bavard. » —

Ainsi parlait Zarathoustra. Mais le bossu avait écouté la conversation en se cachant le visage ; lorsqu’il entendit rire Zarathoustra, il éleva son regard avec curiosité et dit lentement :

« Pourquoi Zarathoustra nous parle-t-il autrement qu’à ses disciples ? »