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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

grandir ton démon ! Pour toi aussi, il existe un chemin de la grandeur ! » —

Hélas, mes frères ! On connaît une chose de trop chez chacun ! Et il y en a qui deviennent transparents pour nous, mais ce n’est pas encore une raison pour que nous puissions les traverser.

Il est difficile de vivre avec les hommes, puisqu’il est si difficile de garder le silence.

Et ce n’est pas envers celui qui nous est antipathique que nous sommes le plus injustes, mais envers celui qui ne nous regarde en rien.

Cependant, si tu as un ami qui souffre, sois un asile pour sa souffrance, mais sois en quelque sorte un lit dur, un lit de camp : c’est ainsi que tu lui seras le plus utile.

Et si un ami te fait du mal, dis-lui : « Je te pardonne ce que tu m’as fait ; mais que tu te le sois fait à toi, — comment saurais-je pardonner cela ! »

Ainsi parle tout grand amour : il surmonte même le pardon et la pitié.

Il faut contenir son cœur ; car si on le laisse aller, combien vite on perd la tête !

Hélas ! où fit-on sur la terre plus de folies que parmi les miséricordieux, et qu’est-ce qui fit plus de mal sur la terre que la folie des miséricordieux ?

Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir une hauteur qui est au-dessus de leur pitié !

Ainsi me dit un jour le diable : « Dieu aussi a son enfer : c’est son amour des hommes. »

Et dernièrement je l’ai entendu dire ces mots :