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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

nant ! » — c’est ce que je conseille à ceux qui n’ont rien à donner.

Mais moi je suis de ceux qui donnent : j’aime à donner, en ami, aux amis. Pourtant que les étrangers et les pauvres cueillent eux-mêmes le fruit de mon arbre : cela est moins humiliant pour eux.

Mais on devrait entièrement supprimer les mendiants ! En vérité, on se fâche de leur donner et l’on se fâche de ne pas leur donner.

Il en est de même des pécheurs et des mauvaises consciences ! Croyez-moi, mes amis, les remords poussent à mordre.

Mais ce qu’il y a de pire, ce sont les pensées mesquines. En vérité, il vaut mieux faire mal que de penser petitement.

Vous dites, il est vrai : « La joie des petites méchancetés nous épargne mainte grande mauvaise action. » Mais en cela on ne devrait pas vouloir économiser.

La mauvaise action est comme un ulcère : elle démange et irrite et fait irruption, — elle parle franchement.

« Voici, je suis une maladie » — ainsi parle la mauvaise action ; ceci est sa franchise.

Mais la petite pensée est pareille au champignon ; elle se dérobe et se cache et ne veut être nulle part — jusqu’à ce que tout le corps soit rongé et flétri par les petits champignons.

Cependant, je glisse cette parole à l’oreille de celui qui est possédé du démon : « Il vaut mieux laisser