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Créer des valeurs nouvelles — c’est ce que le lion, lui aussi, ne peut encore : mais se créer une liberté pour la création nouvelle — c’est ce que peut la puissance du lion.

Pour se créer la liberté et une divine négation, même devant le devoir : pour cela, mes frères, il est besoin du lion.

Prendre le droit pour des valeurs nouvelles — c’est la plus terrible prise pour un esprit solide et respectueux. Vraiment c’est, pour lui, commettre un crime et agir en bête de proie.

Il aimait jadis le « tu dois » comme la chose la plus sacrée : maintenant il lui faut trouver illusion et arbitraire, même dans la chose la plus sacrée, pour qu’il fasse, sur son amour, la conquête de la liberté : il faut un lion pour ce crime.

Mais dites-moi, mes frères, que peut faire l’enfant que le lion n’ait pas pu faire ? Pourquoi, faut-il que le lion sauvage devienne enfant ?

L’enfant est innocence et oubli, un renouveau et un jeu, une roue qui se déroule d’elle-même, un premier mouvement, une sainte affirmation.

Oui, pour le jeu de la création, mes frères, il faut une sainte affirmation : l’esprit veut maintenant sa propre volonté, celui qui a perdu le monde, veut gagner son propre monde.

Je vous ai nommé trois transformations de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant. —

Ainsi parlait Zarathoustra. Et en ce temps-là il séjournait dans la ville qu’on appelle : la Vache multicolore.

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