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Ainsi la volonté libératrice est devenue malfaisante ; et elle se venge sur tout ce qui est capable de souffrir de ne pouvoir revenir elle-même en arrière.

Ceci, oui ceci seul est la vengeance même : la répulsion de la volonté contre le temps et son « ce fut ».

En vérité, il y a une grande folie dans notre volonté ; et cela devint la malédiction de tout ce qui est humain que cette folie ait appris à avoir de l’esprit !

L’esprit de la vengeance : mes amis, c’est là ce qui fut jusqu’à présent la meilleure réflexion des hommes ; et, partout où il y a douleur, il devrait toujours y avoir châtiment.

« Châtiment », c’est ainsi que s’appelle elle-même la vengeance : avec un mot mensonger elle simule une bonne conscience.

Et comme chez celui qui veut il y a de la souffrance, puisqu’il ne peut vouloir en arrière, — la volonté elle-même et toute vie devraient être — punition !

Et ainsi un nuage après l’autre s’est accumulé sur l’esprit : jusqu’à ce que la folie ait proclamé : « Tout passe, c’est pourquoi tout mérite de passer ! »

« Ceci est la justice même, qu’il faille que le temps dévore ses enfants » : ainsi a proclamé la folie.

« Les choses sont ordonnées moralement d’après le droit et le châtiment. Hélas ! où trouver la délivrance du fleuve des choses et de « l’existence », ce châtiment ? » Ainsi a proclamé la folie.

« Peut-il y avoir rédemption s’il y a un droit éternel ? Hélas ! on ne peut soulever la pierre du passé : il faut aussi que tous les châtiments soient éternels ! » Ainsi a proclamé la folie.