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Des Poètes.
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« Depuis que je connais mieux le corps, — disait Zarathoustra à l’un de ses disciples — l’esprit n’est plus pour moi esprit que dans une certaine mesure ; et tout ce qui est « impérissable » — ceci aussi n’est que symbole.

« Je t’ai déjà entendu parler ainsi, répondit le disciple ; et alors tu as ajouté : « Mais les poètes mentent trop. » Pourquoi donc disais-tu que les poètes mentent trop ? »

« Pourquoi ? dit Zarathoustra. Tu demandes pourquoi ? Je ne fais pas partie de ceux qu’on a le droit de questionner sur leur pourquoi.

Ce que j’ai vécu est-il donc d’hier ? Il y a longtemps que j’ai vécu les raisons de mes opinions.

Ne faudrait-il pas que je sois un tonneau de mémoire pour pouvoir garder avec moi mes raisons ?

J’ai déjà trop de peine à garder mes opinions ; il y a bien des oiseaux qui s’envolent.

Et il m’arrive aussi d’avoir dans mon colombier une bête qui n’en fait pas partie et qui m’est étrangère ; elle tremble lorsque j’y mets la main.

Pourtant que te disait un jour Zarathoustra ? Que les poètes mentent trop. — Mais Zarathoustra lui aussi est un poète.