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Et il en est d’autres encore qui aiment les gestes et qui pensent : la vertu est une sorte de geste.

Leurs genoux sont toujours en adoration et leurs mains se joignent à la louange de la vertu, mais leur cœur n’en sait rien.

Et il en est d’autres de nouveau qui croient qu’il est vertueux de dire : « La vertu est nécessaire » ; mais ils ne croient au fond qu’une seule chose, c’est que la police est nécessaire.

Et quelques-uns qui ne savent voir ce qu’il y a d’élevé dans l’homme, parlent de vertu quand ils voient de trop près la bassesse : ainsi ils appellent « vertu » leur mauvais œil.

Les uns veulent être édifiés et redressés et appellent cela de la vertu et les autres veulent être renversés — et appellent cela aussi de la vertu.

Et ainsi presque tous croient avoir quelque part à la vertu ; et tous veulent pour le moins être connaisseurs en « bien » et en « mal ».

Mais Zarathoustra n’est pas venu pour dire à tous ces menteurs et à ces insensés : « Que savez-vous de la vertu ? Que pourriez-vous savoir de la vertu ? » —

Il est venu, mes amis, pour que vous vous fatiguiez des vieilles paroles que vous avez apprises des menteurs et des insensés :

pour que vous vous fatiguiez des mots « récompense », « représailles », « punition », « vengeance dans la justice » —

pour que vous vous fatiguiez de dire « une action est bonne, parce qu’elle est désintéressée. »