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Tout ce qui est immuable — n’est que symbole ! Et les poètes mentent trop. —

Mais les meilleures paraboles doivent parler du temps et du devenir : elles doivent être une louange et une justification de tout ce qui est périssable !

Créer, c’est la grande délivrance de la douleur, et l’allégement de la vie. Mais afin que le créateur soit, il faut beaucoup de douleurs et de transformations.

Oui, il faut qu’il y ait dans votre vie beaucoup de morts amères, ô créateurs. Ainsi vous serez les défenseurs et les justificateurs de tout ce qui est périssable.

Pour que le créateur soit lui-même l’enfant qui renaît, il faut qu’il veuille être la mère avec les douleurs de la mère.

En vérité, ma voie a traversé cent âmes, cent berceaux et cent douleurs de l’enfantement. Mainte fois j’ai pris congé, je connais les dernières heures qui brisent le cœur.

Mais ainsi le veut ma volonté créatrice, ma destinée. Ou bien, pour le dire plus franchement : c’est cette destinée que veut ma volonté.

Tous mes sentiments souffrent en moi et sont en prison : mais mon vouloir arrive toujours libérateur et messager de joie.

« Vouloir » délivre : c’est là la vraie doctrine de la volonté et de la liberté — c’est ainsi que vous l’enseigne Zarathoustra.

Ne plus vouloir, et ne plus évaluer, et ne plus créer ! ô que cette grande lassitude reste toujours loin de moi.