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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

chaque relais, et partout où elle s’arrêtait, un palais tout meublé semblait sortir de terre pour la recevoir. Depuis ce temps, on permit quelquefois d’y loger ceux qui voyageaient par ordre de la cour. Hélas ! nous avions ce triste privilège, et les mêmes appartements, après avoir servi de demeure à celle sur qui la fortune a versé tous ses dons, donnèrent aussi l’asile aux malheureux plongés par elle dans un abîme de misères. On avait enlevé de ces maisons les meilleurs meubles ; on voyait cependant encore dans quelques-unes d’entre elles, la toilette de l’impératrice et sa chambre à coucher, avec une petite porte qui communiquait à celle de son favori. Il était impossible de voyager plus commodément. À Szklow, Zoritz, son ancien favori, lui ménagea une surprise tout à fait galante. L’impératrice descendit dans sa maison ; après souper, Zoritz la conduisit jusqu’à la porte de l’appartement qui lui était destiné. L’impératrice y entre ; mais quelle est sa surprise de se trouver dans ses propres appartements de Pétersbourg ! c’étaient les mêmes dimensions, les mêmes tapisseries, les mêmes meubles, les mêmes rideaux de lit. Il était impossible de prouver d’une manière plus galante, combien les souvenirs des lieux qui furent les témoins de son bonheur étaient profondément gravés dans son cœur. On dit que Catherine ne put résister à des