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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

Udom m’apporta des lettres de Boryslawski, et du maréchal Potocki, qui, après avoir été décachetées et lues par le comité de nos gardiens, me furent remises. Boryslawski me spécifiait le peu de choses dont Udom voulut bien se charger. Je reçus un petit portemanteau avec un peu de linge et d’habits, mon écrin avec les antiques ; mais au lieu de deux cents ducats, Udom ne m’en remit que cent vingt. « J’ai dépensé le reste, disait-il, à équiper un peu le major Titow et moi-même. Nous vous rendrons cela dans la suite. »

En passant par Witebsk, nous vîmes sur la place un groupe de jeunes et robustes paysans, qui, à notre approche, ôtèrent leurs bonnets et nous offrirent l’étrange aspect de têtes dont une moitié était rasée et l’autre couverte de cheveux. C’étaient des conscrits destinés à l’armée ; on leur faisait cette opération, pour qu’en cas de désertion on pût les reconnaître plus facilement.

Sur toute cette route, nous logions quelquefois dans des petits palais en bois, construits exprès pour l’impératrice lors de son dernier voyage en Crimée. C’était une vraie féerie que tout ce voyage ; elle traînait avec elle toute sa cour, les favoris, les dames d’honneur, les ministres, les ambassadeurs ; mille chevaux l’attendaient à