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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

fâmes. « Oh ! si je la tenais, s’écriait-il, en agitant son terrible fouet, comme je la battrais ! — comme je la battrais. » Et en prononçant ces paroles, il avait l’air de punir son infidèle, en appliquant des coups sur le sol de toutes ses forces. Udom le prit ensuite à part, et lui parla longtemps ; puis le major sortit de cette conférence troublé et rêveur. Nous apprîmes bientôt qu’Udom lui avait dit, que dans les auberges et maisons de poste où nous avions passé, on n’entendait que des plaintes contre lui, on ne voyait que des gens qu’il avait maltraités et battus ; que par conséquent, bien loin d’être récompensé, ce qu’il se promettait à Pétersbourg, pour ses services, il pourrait y encourir les punitions les plus sévères ; que les gouvernements où nous arrivions n’étaient pas comme les autres, que Romanzow et Repnin, tous deux connus par leur intégrité, leur amour pour la justice, y commandaient ; que s’il ne s’abstenait plus de sa rage de battre tout le monde, il pourrait s’attirer de vrais malheurs. « Qui sait, ajouta Udom, si à l’heure qu’il est, on n’a pas déjà porté des plaintes contre vous ? » Ces remontrances produisirent l’effet désiré ; et dès ce moment, nous ne vîmes plus Titow se servir de son fouet que fort rarement et avec discrétion ; il se borna, pour l’ordinaire, aux injures et aux blasphèmes.