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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS.

parlèrent polonais avec un intérêt qui nous toucha vivement. « Le sang polonais coule encore dans nos veines, disaient-ils. Nous plaignons sincèrement votre sort ; mais hélas !… » Titow survint et nous interrompit. Czernihow est une jolie petite ville. Les Russes excellent dans la construction en bois ; nulle part je n’ai vu des maisons aussi bien bâties ; on en a pour ainsi dire des manufactures. Dans les grandes villes comme Moscou, on trouve dans les marchés des maisons à vendre toutes faites ; vous emportez les pièces numérotées, et vous n’avez que la peine de les ajuster.

L’hiver ne nous permit pas de voir la fertilité et la beauté du pays ; c’est l’Ukraine, c’est la plus belle province de l’empire russe, riche en grains, pâturages, fruits, miel, et surtout en chevaux et en bétail. Le despotisme et l’éloignement des rivières navigables lui ôtent une partie de ses avantages sous le point de vue commercial. Ni ici ni sur toute notre route jusqu’à Pétersbourg, nous n’avons vu une seule pièce de monnaie d’argent. Il n’y avait que des billets de banque et des grosses pièces de cuivre de 5 kopeiks, dont nous emportions avec nous des sacs immenses, et que nous appelions, avec Fischer, les richesses de la nation.

Nous entrâmes ensuite dans la Russie blanche,