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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

un quart de verste de long, et que, lorsqu’on le retirait de l’eau, il pleurait et priait lea pécheurs de le lâcher. Du reste, comme je l’ai déjà dit, c’était un très-brave homme et qui se conduisait fort bien envers nous. Quelques mois après, on l’a fait Gorodniczy, c’est-à-dire espèce de maire d’une petite ville en Asie.

Après deux jours de voyage, nous arrivâmes à Czernihow[1], capitale de la province de ce nom, qui, comme Kiow, appartenait à la Pologne, jusqu’à ce que Jean Sobieski, tout occupé de ses conquêtes sur les Turcs, l’eût définitivement cédée à la Russie. Les habitants de cette province ont gardé jusqu’à nos jours un attachement sincère pour leur ancienne patrie. Après dîner, deux vieux officiers nous apportèrent un plat chargé de fort belles pommes, et nous prièrent de les accepter. Nos gardiens s’étant écartés un instant, ils nous

  1. C’est ici que j’ai vu pour la première fois changer le papier monnaie russe contre des espèces en cuivre. Ce sont de grosses pièces de 5 sous ou kopeiks. Rien de plus lourd et de plus embarrassant pour un voyageur. Dix roubles en cuivre prennent plus de place et pèsent plus que tout un bagage ; cependant il n’y a pas d’autre monnaie courante. Les billets perdaient 40 pour 100 (aujourd’hui ils en perdent 75 pour 100) quand on voulait les changer contre de l’argent.
    (Note de l’auteur.)