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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

nos autres gardiens ensemble, mais au fond très-bon diable. Le cabinet russe craignant que Titow, ses officiers et grenadiers, ne fussent pas en état de garder suffisamment trois pauvres estropiés, envoya Achmatow pour être associé à l’empire de Titow. Ce partage de l’autorité suprême déplut beaucoup à ce dernier ; cependant, faux et dissimulé qu’il était, il cacha son mécontentement ; et comme Achmatow avait un caractère simple et bon, il prit bientôt un ascendant complet sur lui. L’arrivée de ce nouvel acteur sur la scène nous procura quelque relâche de grossièretés de la part de notre tyran. Bavard, accablant Achmatow de questions, Titow nous laissait maintenant pour la plupart du temps en repos ; quelquefois même en faisant semblant de lire, nous prêtions l’oreille à leur conversation. Dans la dernière guerre avec la Suède, Achmatow de simple caporal, devint major ; on lui donna même le commandement d’un petit vaisseau dont l’équipage n’était composé que de galériens et de bandits : il se distingua dans plusieurs combats. En racontant ses hauts faits, il cita une anecdote qui prouve bien ce que c’est que l’idée de l’honneur chez les Russes. « Dans la bataille de Swenske Sund, disait-il, j’étais assailli par deux galères suédoises ; après m’être bien défendu, et voyant qu’il me serait impossible de résister plus longtemps, je bais-