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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS.

même, mais il envoya son aide de camp, avec des compliments de condoléance, nous faisant dire : que nous devions avoir l’esprit en repos, que la clémence de sa souveraine était infinie, qu’en un mot, nous n’avions rien à craindre. À côté de toutes ces assurances, il donnait à Titow des instructions plus sévères que jamais. Il lui était ordonné d’envoyer tous les soirs un courrier avec un journal exact de tout ce que nous faisions, et non-seulement il devait rendre compte de notre santé, du chemin que nous aurions parcouru, de l’endroit où nous nous trouverions, mais encore de nos discours, de nos propos, de notre humeur, peut-être même de nos gestes. C’était une tâche bien effroyable pour notre cher Titow qui à peine savait lire ; en effet, comment concevoir, composer et mettre au net chaque jour un ouvrage de si longue haleine et d’un sujet aussi difficile ? Zmiewski et Karpen, qui avaient étudié dans les écoles de Moscou, furent appelés à rédiger ces sublimes compositions. C’était le soir que nos savants rédacteurs s’occupaient de leur ouvrage ; souvent les maisons où l’on nous logeait étaient si petites, qu’il n’y avait qu’un petit cabinet pour le général Kosciuszko et une autre chambre pour nous tous. Couché sur ma paille, je faisais semblant de dormir, et j’entendais parfaitement toutes les observations qu’ils faisaient