pensions que ce serait dans quelque province au fond de l’empire, où l’on nous donnerait une ville pour prison ; tantôt que ce serait au Kamtchatka, où nous chasserions la martre et la zibeline ; enfin, nous imaginions tout, excepté le cruel traitement qu’on nous préparait. Vers le soir, Chruszczew m’envoya dire que la princesse Sanguszko désirait me voir et me faire ses adieux ; aussitôt, accompagné de Titow, je me rendis au château. La bonne princesse, dont l’amour de la patrie ne s’étendait pas plus loin qu’à la limite de ses terres, toute dévouée aux Russes et confidente de leurs pensées les plus secrètes, me prit à part, et, après des consolations très-douloureuses sur ma situation, me dit : que mon sort était entre mes mains ; que je pouvais choisir entre les récompenses les plus brillantes et le traitement le plus sévère ; que tout dépendait de ma candeur à dévoiler tous les secrets de la dernière révolution et les noms de tous ses agents. « Notre révolution, lui dis-je, n’a point eu de secrets ; la Pologne a été dévastée, saccagée, pillée, démembrée ; nous avons fait un dernier effort pour la sauver, il a été malheureux ; mais du moins la honte d’un lâche abandon lui a été épargnée. Les noms de ceux qui y ont agi sont connus, et la vengeance n’aura pas beaucoup de peine à choisir et à frapper ses victimes. S’il est enfin des ci-
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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS