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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

de mon étonnement dans cette circonstance. Lors-que je lui demandai ce qu’avait fait Xénophon pour mériter une punition aussi dure : — « Pas grand’chose, me dit-il ; mais comme il y a longtemps qu’il n’a pas été battu, je l’ai fait rosser pour le tenir en haleine. Autrement il n’y aurait pas moyen de vivre avec ces gens-là. » — J’ai cru que le pauvre diable, après une épreuve pareille, ne pourrait remuer bras ni jambes au moins pendant un mois ; mais quelle fut ma surprise, lorsque, après notre départ du gîte, je vis M. Xénophon marchant très-gaiement, sifflant comme s’il n’était de rien !

Quelques jours après, nous arrivâmes à Zaslaw, petite ville avec un beau château, appartenant au prince Janusz Sanguszko. Nous logeâmes dans l’auberge. Chruszczew et toute sa famille, sans autre cérémonie, descendirent chez le seigneur du lieu. La princesse nous envoya son maître d’hôtel pour demander ce que nous désirions qu’on nous servît ; et pendant trois jours que nous restâmes à Zaslaw, elle nous envoyait à déjeuner, à dîner et à souper. La princesse Joseph Lubomirska demeurant à peu près à vingt lieues de là, nous envoya son jeune fils avec quelques habits et des livres. Madame Czacka, née princesse Sanguszko, trouva aussi le moyen de me faire parvenir une lettre touchante et pleine d’amitié.