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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

parément par un homme, chaque musicien n’y joue qu’une seule note. Quelle précision, quelle attention extraordinaire ne faut-il pas, surtout dans les allégros, pour produire un ensemble satisfaisant ! Cependant cet ensemble se trouvait dans cette musique, grâce sans doute au pouvoir magique du bâton !

Nous restâmes deux jours à nous reposer à Ostrog. Le matin de notre départ, lorsque, après une nuit blanche, j’étais couché encore dans mon lit, j’entendis dans le corridor du couvent où nous logions un bruit pareil à celui qu’on fait quand on bat un habit pour l’épousseter ; ce bruit me paraissait cependant plus fort, et les voûtes gothiques du couvent en retentissaient déjà depuis une demi-heure, quand le major Fischer, aide de camp du général et notre compagnon d’infortune, entra dans ma chambre. « Quel est, lui dis-je, le domestique si infatigable et si soigneux pour les habits de son maître, qui les bat depuis une demi-heure ? » — « De quel domestique parlez-vous ? me répond Fischer ; ce n’est pas un habit, c’est Xénophon, notre chirurgien en second, que deux caporaux, par ordre du major Titow, arrangent de cette manière. » — « Ô Xénophon ! m’écriai-je, ô retraite des Dix mille ! ô noble art de la chirurgie ! comme vous êtes traités ! » Le major Titow riait jusqu’aux larmes